Naftali Hilger, David Zabari lisant un livre saint dans sa maison, Saada (Yémen), 1998
Introduction
À travers des millénaires d'histoire, l'Algérie a été le théâtre d'une interaction extraordinaire, tant sur le plan culturel que religieux, qui a profondément façonné cette terre et contribué à l'émergence de son identité unique. Dans cet article, nous explorerons les moments historiques, des temps anciens à l'époque contemporaine, qui ont laissé leur empreinte sur l'identité algérienne.
Pendant des siècles, les Juifs ont trouvé leur place en Algérie, vivant en harmonie avec les musulmans et les chrétiens dans un environnement riche en échanges culturels et commerciaux. Leurs traditions, leur cuisine, leur musique et leurs coutumes ont fusionné avec celles des autres peuples, contribuant ainsi à forger un patrimoine algérien diversifié.
Bien que cette coexistence ne fût pas simple, en marge de leurs différences, les peuples des Juifs étaient très profondément enracinés dans la société algérienne. Ainsi, en participant très activement à la vie quotidienne, aux événements sociaux ; leur présence dans les sphères du commerce, en passant par l’artisanat et dans le secteur de l’industrie : ils ont très largement favorisé l’économie locale.
Agissant comme intermédiaires commerciaux entre l’Europe et l’Empire ottoman, et ceci durant plusieurs siècles, les Juifs de Granas de Livourne ont fait figure de cette économie. Renforçant ainsi les liens commerciaux entre l’Algérie et le reste du monde. Cela avait grandement influencé la structure même de la société algérienne.
Avec plusieurs engagements dans la littérature et la poésie : c’est le témoin phare de leur richesse linguistique et d’une identité propre à ce peuple.
Les racines des Juifs d’Algérie remontent à l’antiquité, où leur présence à Carthage, et dans les régions actuelles de l’Algérie, avant la conquête romaine est possible. Des soulèvements Juifs, durant les 1er et IIe siècles, survenus en Israël et en Cyrénaïque ont très probablement eu un impact sur les mouvements migratoires.
Conquête romaine
En 46 avant Jésus-Christ, lors de la guerre civile romaine, Jules César vaincra Juba 1er, alors roi de la Numidie ; la présence romaine va permettre le développement des communautés Juives. Ces peuples vont s’adapter aux changements politiques et culturels. En interaction avec les autres populations autochtones, les Berbères numides ont été particulièrement réceptifs au prosélytisme judaïque. Marquant ainsi une base idéologique sur la civilisation judéo-musulmane, qui avait émergé en Algérie.
Conquête musulmane
L’aire de la civilisation islamique débute après la mort du prophète Mahomet, en 632 ; l’Islam émerge alors de l’Arabie. Après avoir vaincu l’Empire romain, les musulmans ont conquis ces territoires, intégrant ainsi les populations présentent. Sous administration musulmane, l’Algérie ne portait pas ce nom, le plus souvent, en arabe, elle était désignée sous le nom de « Ifriqiya », qui signifiait, généralement l’ensemble de l’Afrique du Nord.
Elle aura pour effet un tournant majeur dans l’histoire de l’Algérie. Entraînant des grands changements pour les communautés Juives. Désormais, ces populations seront régies par la dhimma, comme les autres populations non musulmanes.
La dhimma était un contrat de protection qui garantissait aux Juifs et autres populations non musulmanes une sécurité et une forme de tolérance religieuse. Cela impliqué des restrictions et des obligations, comme le paiement d’une taxe appelait la « jizya ».
Ainsi, ces peuples étaient exemptés du service militaire, par exemple. Cependant, les Juifs étaient, hélas soumis à des limitations en matière de pratiques religieuses, et même dans les déplacements du quotidien.
Malgré ces restrictions, la dhimma permettait aux Juifs de gérer en autonomie les affaires de la vie courantes, la gestion de leurs institutions religieuses, de pratiquer le judaïsme, à condition que cela ne soit pas en contradiction avec les lois Islamiques.
Après plusieurs siècles sous la dhimma et une coexistence plus au moins complexe avec les musulmans ; cette période prendra fin avec la colonisation française au XIXe siècle. Le décret Crémieux de 1870 va radicalement changer le statut des Juifs d’Algérie.
Immigration des Juifs espagnols
Fuyant les persécutions, les violences et les lois antijuives des décrets de Tolède, les Juifs espagnols ont fui en Algérie. En effet, durant la période du royaume de wisigoth, du Ve au VIIIe siècle, et la Reconquista qui a duré du VIII au XVe siècle ; l’immigration de ces Juifs va considérablement contribuer à l’enrichissement de la communauté Juive, déjà établie en Algérie.
Elle va façonner l’identité et la culture Juive dans la région, en apportant des nouvelles compétences et des savoir-faire. Cette immigration va contribuer à la diversité culturelle et religieuse, qui perdure encore aujourd’hui.
Immigration des Juifs des Granas de Livourne
Ayant une liberté relative, religieuse et économique, sous la protection du Grand-Duché de Toscane ; ils vont immigrer en Algérie principalement aux XVIIe et XVIIIe siècles. Livourne, en Italie est une ville portuaire à l’ouest du pays.
Intermédiaires commerciaux entre l’Europe et l’Empire ottoman : ils jouissaient de réseaux très étendus. Ainsi, de nombreux Juifs vont immigrer en Algérie ; sous domination ottomane, cette région de l’Afrique du nord constituait une véritable plaque tournante dans le commerce en Méditerranée.
Attirés par les opportunités commerciales offertes par l’économie Algérienne ; beaucoup vont s’installer dans les villes comme Alger, Oran et Constantine. Cette immigration va très grandement renforcer l’économie locale, et même avec l’Europe et le Moyen-Orient ; les secteurs du textile, des épices et des métaux précieux vont connaître un essor exceptionnel.
La colonisation Française et le décret Crémieux
Avant la colonisation Française, le peuple Juif était déjà présent depuis plusieurs siècles. Ils vivaient dans des communautés urbaines et rurales. Sous domination des Ottomans et des Berbères ; ils subiront des discriminations, avec une coexistence, parfois complexe, au sein des autres peuples autochtones.
Au cours du XIXe siècle, la colonisation Française, avec le décret Crémieux ; il accordera la nationalité Française aux Juifs d’Algérie. Contrairement aux populations arabo-musulmanes, cette assimilation aura un très fort impact, notamment sur les plans sociaux et économiques. D’une part par l’accès à l’éducation et d’autre part en offrant de nouvelles opportunités économiques, avec une prospérité dans le commerce et les professions libérales.
Ainsi, très rapidement les Juifs d’Algérie sont considérés par la France ; comme étant des citoyens à part entière. Cette décision visait, dans un contexte de politique coloniale à assimiler ces populations Juives à la société civile et à les distinguer des autres communautés.
Désormais, ils pourront exercer des professions interdites, le droit d’acheter et de posséder des biens immobiliers et participer pleinement à la vie sociale de la colonie ; autrefois interdites sous domination musulmane.
Hélas, cette assimilation ne faisait pas la majorité au sein des populations Juives, d’autres ont exprimé des sentiments d’aliénation, de déracinement, se sentant ainsi déconnectés de leur propre identité. Ce décret aura marqué une nouvelle ère pour cette communauté, caractérisée d’une intégration plus étroite dans la société Française ; faisant ainsi évoluer son identité collective.
L’indépendance de l’Algérie en 1962 marquera un tournant nouveau, où les Juifs d’Algérie vont progressivement immigrer en Israël, en France et aux États-Unis.
Ressources :
- Les Juifs d’Algérie : une histoire de ruptures
- Juifs maghrébins et anticolonialistes
- Les juifs algériens dans la lutte anticoloniale. Trajectoires dissidentes (1934-1965)
- LES JUIFS D’ALGÉRIE DANS LA TOURMENTE ANTISÉMITE DU XX e SIÈCLE
