En ces temps troublés où le mot "peuple" semble à la fois sacralisé et vidé de sa substance, il est urgent de se pencher sur cette institution que l'on nomme Parlement – non comme un rouage technique, mais comme le cœur battant d’une démocratie qui, à force de compromis et de renoncements, s’est peut-être éloignée de sa mission première.
Depuis la Ve République, le Parlement a souvent été relégué au rôle secondaire de chambre d’enregistrement, réduit à valider les choix d’un exécutif renforcé. Hugo, qui croyait au souffle de la tribune et à la puissance de la parole politique, s’étranglerait à l’idée d’un législatif craintif, presque effacé. L’absence de majorité absolue depuis les législatives de 2022 a pourtant rebattu les cartes : le débat est de retour, la friction aussi – mais est-ce le signe d’un renouveau ou le symptôme d’une impasse ?
Il est temps de reposer les vraies questions. À quoi sert le Parlement, sinon à porter la voix du peuple, à incarner une conflictualité féconde ? Pourquoi la France a-t-elle opté pour un bicamérisme ? Cette architecture, loin d’être anodine, reflète un certain rapport au pouvoir, une vision de l’équilibre et de la surveillance mutuelle. Mais aujourd’hui, l’écho des débats parlementaires semble parfois étouffé par les logiques de communication ou les jeux partisans.
Rousseau rêvait d’un peuple législateur, Zola d’une vérité qu’on ne bâillonne pas. À leur suite, posons cette question essentielle : notre Parlement est-il encore le lieu où s’élabore le contrat social ? Ou bien assiste-t-on à une lente dévitalisation de la représentation nationale, minée par la défiance, l’abstention et la montée des extrêmes ?
